Estime de soi et apprentissage scolaire

Estime de soi et échec scolaire

(DELVAUX, 2000)

L’échec scolaire est fréquemment couplé à une destruction de l’estime de soi. Il s’agit avant tout d’un affaiblissement du sentiment d’efficacité personnelle, jugement porté sur les capacités personnelles. Il agit sur l’efficacité de l’apprentissage, contribuant ainsi à l’accumulation d’échecs. A compétences égales, un faible sentiment d’efficacité réduit les chances de réussite. La conviction d’être incompétent peut rendre les élèves incapables de certains apprentissages ou performances, parce qu’ils persévèrent moins et qu’ils utilisent leur potentiel cognitif à gérer leurs états émotionnels parasites. Les échecs alimenteront à leur tour une dégradation du sentiment d’efficacité personnelle et de l’estime de soi. Confrontés à des échecs scolaires successifs, l’élève pourra aller jusqu’au désinvestissement de l’école, qui ne lui permet pas de se construire une image positive de lui-même. Certains jeunes trouvent, dans ce comportement d’échec ou dans les autres sphères qu’ils investissent, des éléments positifs leur permettant de se construire une estime d’eux-mêmes, basée sur d’autres dimensions que celles privilégiées par l’école. Pour ces jeunes, le décrochage ferait ainsi partie d’une stratégie consciente ou inconsciente de recomposition de l’estime de soi. Ce type de décrochage est sans doute moins préoccupant que celui qui n’entraîne pas une mobilisation identitaire alternative et que la déstructuration de l’estime de soi même, si elle n’aboutit pas à un décrochage scolaire.

Par ailleurs, les élèves en manque d’affirmation de soi vivent la difficulté et l’échec comme une menace de leur intégrité et se sentent dépassés par les événements. A force d’être confrontés à des attentes qui dépassent leur potentiel, ils finissent par baisser les bras. Des exigences en décalage avec leur potentiel ne constituent plus des défis stimulants qui leur permettent de dépasser des obstacles, mais risquent de provoquer un sentiment d’impuissance, de la démotivation et une dévalorisation de soi.
(JENDOUBI, 2002)

Conduites pour le maintien d’une bonne estime de soi

(MARTINOT, 2004)

Lorsque les élèves en situation de difficultés scolaires sont amenés à affronter un environnement devenu hostile pour eux (échecs, démotivation, sentiment de dévalorisation…), ils vont développer ce que l'on appelle les "conduites d'autoprotection" pour protéger leur estime de soi. Ces stratégies, dites aussi "autohandicapantes", sont de véritables mécanismes psychosociaux de défense pour faire face à un cadre dans lequel l'élève se retrouve en situation permanente de dévalorisation. Ces stratégies naissent de l'anticipation d'un échec éventuel à une performance particulière, et se définissent par la création d'un obstacle à cette performance. Ainsi, si l'élève obtient effectivement une performance faible alors il pourra mettre en cause l'obstacle établi délibérément plutôt que de mettre en cause ses habilités personnelles. Ces conduites apparaissent alors comme une série d'obstacles à la réussite, puisqu'elles contribuent à réduire la motivation et par-là même les efforts des élèves. Ces stratégies exercent des effets à deux niveaux: le premier concerne les effets immédiats, les effets protecteurs de l’estime de soi. Le second se caractérise par des conséquences néfastes des conduites adaptées: les élèves démotivés diminuent l’investissement dans le travail scolaire ou même se désengagent du domaine scolaire.

Les études en psychologie sociale recensent six conduites d'autoprotection permettant de comprendre le lien qui existe entre estime de soi et motivation.

  • Auto-complaisance

Cette notion désigne la tendance des élèves ayant des difficultés scolaires à attribuer la causalité de leur réussite à leurs qualités propres (causes internes) et leurs échecs à des facteurs ne dépendant pas d'eux (causes externes), afin de maintenir une image de soi positive. Les élèves ont donc la possibilité de protéger leur estime de soi en s'octroyant la responsabilité de leurs réussites ou au contraire de rejeter la responsabilité de leurs échecs. Les conséquences de cette stratégie peuvent s'avérer néfastes pour la motivation de ces élèves. En effet, la reconnaissance des échecs et des erreurs doit leur permettre d’envisager de nouveaux comportements afin de progresser. Or, cette stratégie est handicapante dans le sens où elle ne leur permet pas de mettre en œuvre des conduites de reconnaissance de leurs responsabilités dans leurs échecs.

  • Création d’obstacles

Une autre stratégie autohandicapante permet à ces élèves de créer des conditions leur permettant d'attribuer un échec éventuel à des circonstances indépendantes de leur volonté, et surtout sans lien direct avec leur estime de soi. Ils se créent ainsi eux-mêmes des obstacles lorsqu'ils sont en cours d'apprentissage (par exemple: se coucher tard la veille d'une interrogation). Cette stratégie entraîne une diminution de leurs performances.

  • Comparaison défavorable

Il s’agit d’expliquer les bonnes performances des autres étudiants par leur talent exceptionnel, Les élèves ayant des difficultés scolaires se protègent derrière cette réussite justifiée par des compétences exceptionnelles, ce qui permet de ne pas enrayer leur propre estime d’eux-mêmes. Cette technique d'autoprotection attribuée au génie des autres ne leur permet pas de se remettre en question quant à leurs efforts ou stratégies, et les mènera immanquablement à reproduire le même comportement.

  • Comparaison favorable

On observe aussi le versus de la stratégie de comparaison défavorable, qui consiste à se comparer de manière favorable, c'est-à-dire à se comparer à un camarade qui a moins bien réussi que soi. Les élèves parviennent, grâce à cette stratégie, à garder une bonne estime de soi, mais, comme les autres stratégies, elle favorise également le maintien des mêmes comportements scolaires et motivationnels.

  • Désengagement dans des disciplines scolaires

Les élèves ayant des difficultés scolaires se "désitentifient" de l’école ou d’une discipline particulièrement les domaines qui ne les caractérisent plus et ne définissent plus leur Soi, et qui représentent une menace pour leur estime de soi. Cette stratégie a des conséquences néfastes pour la motivation, car si certains estiment que l'école ne représente pas d'intérêt pour eux ou si le domaine ne les définit plus, peu importe pour eux d'échouer et d’y consacrer du temps et de l'énergie. En conséquence, l'estime de soi est ainsi protégée, mais s'accompagnera d'une baisse de la motivation intrinsèque et d'un fort risque d'absentéisme. Un degré supplémentaire peut être franchi si ces élèves se "désitentifiant" des normes scolaires devenues menaçantes pour leur estime de soi, redéfinissent leurs propres critères identitaires avec des normes antiscolaires voire antisociales, comme par exemple, avoir de mauvaises notes est considéré comme critère de réussite sociale.

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