Agir pour une bonne
estime de soi avec le tout-petit

Les quatre composantes

(DUCLOS, 1997)

DUCLOS considère que les quatre composantes qui constituent l’estime de soi, à savoir : le sentiment de confiance, la connaissance de soi, le sentiment d'appartenance à un groupe et le sentiment de compétence, sont à stimuler à chaque stade du développement, à chaque période de la vie, par des attitudes éducatives adéquates et des moyens concrets.

Sentiment de confiance et de sécurité

Le sentiment de confiance ne peut s’établir si, au préalable, on ne fait pas vivre au tout petit enfant de la sécurité physique et psychologique. Il éprouve un sentiment de sécurité quand il a une vie stable dans le temps et dans l’espace et, surtout, quand les personnes qui ont de l’importance pour lui sont régulièrement présentes. Ainsi, les activités qu’il vit doivent se dérouler selon des horaires réguliers et dans des lieux qui sont toujours les mêmes. Trop de changements majeurs dans la vie familiale (par exemple trop de déménagements) seront des freins pour explorer dans la quiétude, pour se construire des routines qui sont autant d'éléments structurants et rassurants pour l’enfant. Le sentiment de sécurité et de confiance sera aussi favorisé par le fait que le tout petit vit des délais entre l’expression de ses besoins et leur satisfaction. Parce que son besoin est satisfait malgré une attente évidemment frustrante, il perçoit l’adulte qui lui est proche comme une personne fiable et digne de confiance. Par la répétition de ces expériences au cours desquelles l’adulte tient ses promesses, l’enfant en vient à intégrer un véritable sentiment de confiance.

Dès ses premiers mois de vie, l’enfant commence à maîtriser son environnement physique et humain. Il doit alors être protégé des dangers et apprendre à progressivement distinguer les comportements qui sont permis de ceux qui sont interdits. Il doit apprendre à adapter ses conduites en fonction des réalités qui l’entourent. Les adultes doivent exercer un certain contrôle sur lui de manière à le protéger, contrôle amenant à intégrer un sentiment de sécurité. S’il ne sent pas que cette protection existe, le tout-petit dépensera beaucoup d’énergie, au niveau moteur et dans des attitudes défensives, plutôt que de l’investir dans des relations positives ou dans des apprentissages. Les règles de discipline, nécessaires pour amener le tout-petit à acquérir une conscience morale et sociale, de même qu’une autodiscipline et un sentiment de sécurité, doivent comporter certaines caractéristiques.

LES QUALITÉS DES RÈGLES DE DISCIPLINE VIS À VIS DU TOUT-PETIT
CLAIRES Des règles qui s’appuient sur des valeurs éducatives principales à transmettre au tout-petit, comme par exemple le respect de soi, des autres et de l’environnement. A ce sujet, un consensus entre les adultes proches de l’enfant est essentiel et chaque adulte doit réduire son souci de perfectionnisme.
CONCRÈTES Des règles établies en fonction de comportements concrets et positifs escomptés, qui soient réalistes, selon les capacités du tout-petit à les respecter.
CONSTANTES Des règles dont l’application ne varie pas en fonction de l’humeur de l’adulte et qui sont à la base de toute attitude de fermeté. Pour favoriser une constance, il vaut mieux qu’il y ait, en ce qui concerne le tout-petit, de trois à cinq règles maximum.
COHÉRENTES Des règles dont l’adulte témoigne et agit en fonction des valeurs qu’il veut transmettre au tout-petit.
CONSÉQUENTES Des règles liées étroitement et logiquement aux actes répréhensibles dont les conséquences doivent viser à réparer une parole ou un acte inacceptable.
RÉDUCTRICES DE STRESS Des règles susceptibles d’éliminer le plus possible les éléments de stress qui affectent les comportements du tout-petit et assorties d’activités de gestion et de réduction du stress.

L’ensemble de ces règles doit constituer une démarche de discipline incitative qui encourage l’estime de soi, plus orientée vers l’encouragement des comportements positifs plutôt que vers la répression des comportements dérangeants ou perturbateurs. Un milieu plus répressif amène l’enfant à répéter ces comportements afin qu’on s’occupe de lui, et crée un climat de suspicion creusant un véritable fossé entre adultes et enfants. Une discipline incitative se reconnaît grâce au principe des trois « R »: reconnaissances, réparations, rachats.

  • RECONNAISSANCES
  • RÉPARATIONS
  • RACHATS
  • Etant donné que l’estime de soi est la conscience de la valeur qu’on se reconnaît, il faut, au tout-petit, pour que cette conscience s’établisse, des rétroactions positives de la part des adultes qui lui sont significatifs: relever et féliciter ses comportements positifs. En appliquant systématiquement le principe de la réparation d’une faute par des gestes positifs, l’adulte encourage chez lui des comportements positifs, notamment d’être en relation avec son entourage sur un mode positif. La conduite de réparation réduit la culpabilité chez l’enfant et l’aide à assumer ses responsabilités. Dans une perspective du développement de l’estime de soi, lorsqu’un enfant a perdu un privilège en raison d’une conduite négative, il importe de lui accorder une chance de le récupérer s’il se conduit bien. Lui donner cette chance, c’est lui montrer qu’il peut réparer une erreur et qu’il peut être pardonné. C’est également lui montrer qu’il a droit à l’erreur et que l’adulte est aussi un être souple et chaleureux.

    La connaissance de soi

    Au cours de ses premières années, l'enfant va graduellement apprendre à se détacher des personnes qui ont de l’importance à ses yeux, et à se différencier d'elles. Il s'agit du processus de séparation-individualisation qui va permettre à l'enfant de se découvrir comme étant un être unique, différent des autres, et d'acquérir les bases de la connaissance de soi. Celle-ci, appelée aussi concept de soi, va se transformer en un sentiment d'identité, à partir duquel se développe l'estime de soi.

    La connaissance de soi chez le tout-petit est largement influencée par les personnes qui gravitent autour de lui et qu'il juge importantes. Le tout-petit doit apprendre à se connaître (concept de soi et d’identité) avant de pouvoir se reconnaître (estime de soi). Entre 3 et 6 ans, l’enfant réalise une multitude d’activités corporelles, sociales et intellectuelles, au cours desquelles il développe des habiletés et des qualités personnelles. Ce sont des occasions, où l’adulte doit l’aider à en prendre conscience, afin qu’il puisse progressivement mieux se connaître. C'est sur base de la connaissance de soi que l'enfant sera capable d'intérioriser le sentiment de sa valeur personnelle (estime de soi).

    Les tout-petits ont besoin qu’on les estime comme ils sont, c'est-à-dire avec leurs identités naissantes et avec toutes leurs différences. Pour y parvenir, il faut d’abord les connaître et les amener à se connaître. La connaissance de soi et des autres amène une reconnaissance de leur propre personne et de celles qui les entourent. Le fait de parler à l’enfant de façon chaleureuse en contrôlant le timbre de voix, le fait d’éviter les humiliations et les mots qui blessent, sera également favorable au développement de son estime de soi.

    L’adulte a à développer trois attitudes éducatives fondamentales pour la connaissance de soi chez le tout-petit: être capable d’empathie, faire le deuil de l’enfant rêvé et aider l’enfant à se connaître.

    Etre capable d’empathie

    Pour en arriver à connaître le tout-petit et pour pouvoir mettre en valeur ses atouts, l’adulte doit développer une bonne capacité d’empathie. Pour cela, il doit pouvoir garder une certaine distance affective par rapport à l’enfant afin de percevoir ce qu’il est, et pas seulement ce qu’il fait.

    Faire le deuil de l’enfant rêvé

    L’enfant rêvé est l’enfant que l’adulte aurait voulu être. L’enfant rêvé vit dans l’imaginaire au contraire de l’enfant réel qui, lui, existe concrètement. Il s’avère important de faire le deuil de l’enfant rêvé pour pouvoir investir son enfant réel pour ce qu’il est: ses forces, ses difficultés, ses limites, ses différences, son unicité.

    Aider l’enfant à se connaître

    L’adulte peut aider le tout-petit à faire peu à peu des liens entre ses besoins, ses sentiments et ses comportements, au moyen de la parole, des dessins ou des jeux symboliques. Cela n’est possible que si l’adulte a établi avec le tout-petit une relation d’attachement et de complicité: une sorte de lien non-verbal qui se construit sur les sentiments de sécurité et de confiance et par des moments de joie et d’affection partagés. En outre, les difficultés connues par l’enfant seront soulignées, sans être pour autant culpabilisantes mais plutôt, comme des défis à relever. De même, les comportements inadéquats seront explicitement pointés comme inacceptables au contraire de l’enfant lui-même.

    Le sentiment d'appartenance

    Tout être humain est un être social. Etre aimé, apprécié, considéré, l’aide à faire face à bien des situations, à se définir et donne le goût d’améliorer certaines de ses attitudes. Dès l’âge de deux ans, la présence d’autres enfants de son âge est essentielle au bien-être intérieur chez le tout-petit. Les enfants qui ne savent pas comment se faire des amis et les garder développent une mauvaise image d’eux-mêmes sur le plan social, et se déprécient beaucoup. Le sentiment d’appartenance sert en quelque sorte d’antidote au sentiment de solitude sociale, et il se développe chez le tout-petit lorsqu’il se sent estimé par les autres.

    La conscience d’appartenir à un groupe se développe chez le tout-petit lorsque l’adulte lui fait assumer des responsabilités au profit de tous. Il importe que celles-ci soient adaptées à ses capacités et qu’elles soient assumées par les uns et les autres dans le groupe, afin que chacun contribue à son bon fonctionnement. Cette démarche s’inscrit dans un long apprentissage d’habilités sociales, de collaboration et de coopération. Entre 3 et 6 ans, le tout-petit n’a pas encore acquis cette capacité d’altruisme, mais il faut le stimuler dans ce sens et profiter de ses jeux avec un autre enfant, pour l’aider à développer des attitudes pro-sociales et étendre ces attitudes progressivement à un plus grand nombre d’enfants.

    C’est dans sa famille que le tout-petit s’initie à la vie en société. C’est grâce au soutien des membres de sa famille que le tout-petit parvient à dépasser son égocentrisme et à tenir compte des autres. Les liens étroits entre les membres de la famille et une bonne cohésion familiale faciliteront ses apprentissages à communiquer, à s’affirmer, à assumer des responsabilités, à respecter les règles établies et à partager. La famille, la fratrie conditionneront beaucoup sa capacité future d’adaptation. Son sentiment d’appartenance à sa famille grandira quand on lui relate l’histoire et les traditions de la famille élargie (grands-parents, oncles, tantes, cousins, cousines,…). Informé de son histoire familiale, il se rendra compte qu’il a des racines et qu’il se situe dans une continuité. Le sentiment d’appartenance se crée également dans un projet de groupe; il est donc important qu’au sein de la famille, s’organisent des activités collectives et des projets auxquels l’enfant peut contribuer.

    Le sentiment de compétence (ou de réussite)

    Il est inutile de faire prendre conscience à un tout-petit de ses capacités et de lui dire qu’il est capable, si on ne lui fournit pas l’occasion de connaître des réussites dans ses activités. Il ne sert à rien, non plus, de lui faire réaliser des activités si toutes ses entreprises échouent. Pour qu’un tout-petit puisse vivre des succès, il faut qu’il ait déjà connu des réussites. L’adulte doit réaliser ce paradoxe et l’amener à être conscient des réussites, quelles qu’elles soient, qu’il a connues afin qu’il puisse s’imaginer à l’avance qu’il aura du succès dans une nouvelle activité. Il est motivé, et cette motivation associées à des moyens efficaces, lui permet d’atteindre son objectif, et il se dégage de cette réussite un sentiment de fierté personnelle, source d’estime de soi. Il s’agit d’un cycle dynamique au centre duquel se trouve l’estime de soi.

    Toute réussite ou tout échec a des causes. Il est important que l’adulte fasse comprendre au tout-petit que sa réussite tient à son attention, sa motivation, au choix de ses moyens ou stratégies, et à sa persévérance. Quand il comprend cela, il se sent efficace et fier de lui, ce qui nourrit son estime de soi et lui donne le goût de réaliser d’autres apprentissages. Les adultes doivent apprendre aux tout-petits à devenir des « apprentis sages », c'est-à-dire des apprentis qui acceptent de faire des erreurs et de changer de stratégie afin d’acquérir de nouvelles habilités ou connaissances.

    Le jeu est une manière pour l’enfant de s’exprimer, une porte d’entrée pour ses apprentissages. C’est l’occasion, pour les adultes, de laisser libre cours à sa créativité et à sa fantaisie, sans se soucier de la conformité. Cette attitude signifiera pour lui qu’il est accepté comme il est. L’enfant a besoin d’être stimulé mais non dirigé, il a le droit fondamental d’apprendre à son rythme et selon ses motivations. Eviter le plus possible qu’ils connaissent le stress de la performance, du rythme de production trop rapide ou d’apprentissages trop précoces, lui permettre de jouer à son rythme et connaître le plaisir, sont autant d’attitudes qui vont encourager ses réussites et son estime de soi.

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